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Le
Canal de Panama
Fort du succès
de la construction du Canal de Suez, Ferdinand de Lesseps,
plus que septuagénaire, se laisse convaincre de revouveler
l'opération dans l'isthme de Panama - territoire alors colombien
- sans prêter l'oreille aux mises en garde des ingénieurs
qui en soulignent les difficultés techniques.
Financièrement,
il reprend les méthodes qui lui ont si bien réussi
à Suez vingt ans plus tôt : la création d'une
société, l'émission d'actions, les placements
d'obligations.
La Compagnie
Universelle du Canal Interocéanique de Panama est constituée
le 20 octobre 1880, au capital actions de 1 milliard 335 millions
de francs.
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Action de 500 F de la Compagnie Universelle
du Canal Interocéanique de Panama (1880)
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Les
banques, le Crédit Lyonnais en tête, moyennant de confortables
commissions, bourrent leur clientèle de papier. Mais Panama,
c'est le tonneau des Danaïdes.
Pour
soutenir les émissions qui se succèdent (sept séries
de 1882 à 1888), il faut travailler l'opinion. La compagnie
achète des journalistes. Elle achète aussi des parlementaires
: 104 dira-t-on ! Imprudents ou naïfs, ceux-ci acceptent les
chèques. Moyennant quoi, les Chambres finissent par autoriser
la compagnie à émettre des emprunts à lots.
Trop tard.
En
1889, c'est la débâcle. La compagnie est mise en liquidation.
800 000 "petits porteurs" sont ruinés ; ils ont
apporté un milliard et demi de francs de l'époque
(équivalent à une trentaine aujourd'hui).
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Obligation Nouvelle
de la Cie Universelle
du Canal Interocéanique de Panama (1886)
Voir
d'autres actions du Canal de Panama...
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Devant
l'ampleur du scandale qui couve, le gouvernement Loubet commence
par essayer de l'étouffer. Peine perdue. L'affaire éclate
au grand jour en 1892 et se transfère sur le terrain politique.
Parlementaires et ministres compromis sont cloués au pilori.
Une
commission d'enquête est nommée. L'un des financiers
les plus compromis, Reinach, meurt opportunément.
Son complice, Cornélius Herz, ami du ministre des
Finances Rouvier, s'enfuit à l'étranger. Le ministère
n'a plus qu'à démissionner. On retrouve les talons
des chèques et les noms de leurs bénéficiaires,
dont ceux des ministres Rouvier, Baïhaut, Charles Floquet,
qui prétendent bien sûr avoir utilisé l'argent
pour financer leur campagne électorale.
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La commission d'enquête
ne fit son rapport qu'en 1897. La justice rendit elle son verdict en 1893.
Mais le temps avait déjà fait son oeuvre d'apaisement. Presque
tous les accusés furent acquittés, à l'exception
de Baïhaut (qui avait avoué !), de Ferdinand de Lesseps, de
son fils et de Gustave Eiffel, condamnés respectivement
à cinq et deux ans de prison, jugement qui fut cassé et
non renvoyé. Lesseps mourut en 1894 sans avoir eu connaissance
du procès.
A nouveau les petits
épargnants sont passés par pertes et profits. Mais les bases
de la République sont ébranlées. L'Affaire de Panama,
avec ses relents d'antiparlementarisme et d'antisémitisme, nourrira
l'Affaire Dreyfus qui commence, justement, en 1894.
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Un autre scandale : L'Affaire Stavisky
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